Je ne pouvais quitter la splendide place du commerce sans vous inviter à prendre un café dans le célèbre café-restaurant « Martinho da Arcada« . Le plus ancien de Lisbonne. Il aurait été inauguré par le Marquis de Pombal en l’an 1780.
Sa fondation date de 1778, sous le nom de Café da Neve (Café de neige), puisqu’il avait pour vocation la vente de boissons et de glaces. Ensuite, il aurait changé de nom au gré des propriétaires. En 1784, alors que la mode du café s’installait à Lisbonne, il s’appellait Casa de Café Italiana (Maison du Café Italien), puis Café du Comércio, en 1795, Café dos Jacobinos en 1809, Café Martinho, après avoir été acheté par Martinho Rodrigues, en 1829, et, enfin, en 1845, son nom serait définitivement arrêté en Café Martinho da Arcada, pour ne pas être confondu avec le Café Martinho do Rossio, aussi fréquenté par Pessoa et autres noms de la vie culturelle portugaise.
Il est vrai que lorsqu’on évoque cet endroit, le nom du poète Fernando Pessoa se glisse, omniprésent, comme inévitable.
Fernando Pessoa était certes un des plus prestigieux et assidus clients. C’est là qu’il aurait écrit le fameux livre Mensagem (Message), le seul livre complet publié de son vivant, en 1934. Une table lui est toujours réservée (ainsi qu’au Prix Nobel de littérature, José Saramago).
Cependant, l’évocation de ces deux noms ne doit pas nous faire oublier que l’endroit est aussi le témoin du passage des plus grands noms de la vie publique et culturelle portugaise…
Afonso Costa – Manuel de Arriaga
António Botto – Cesário Verde
A. Ferreira Mendes – Eça de Queiroz
Almada Negreiros
Lopes Mendonça, l’auteur du texte de la Portugaise (l’hymne national portugais); Afonso Costa, une des figures importantes de la première république; Manuel de Arriaga, le premier président de la république portugaise; Bernardino Machado, troisième et huitième président de la république; le journaliste França Borges; les poètes António Botto (qui faisait partie du premier groupe des modernistes [en portugais] duquel faisaient partie Mario Sá-Carneiro, Fernando Pessoa et Almada Negreiros), Cesário Verde; Augusto Ferreira Gomes (ami personnel de Fernando Pessoa); Bocage; l’écrivain Eça de Queiroz, sans oublier bien évidemment le talentueux Almada Negreiros, poète, dramaturge, dessinateur, peintre et auteur du célèbre portrait de Fernando Pessoa.
C’est dans le Café Martinho da Arcada que les membres du celèbre groupe Orfeu avaient pris l’habitude de se rencontrer. C’est là qu’Almada Negreiro a déclamé son Manifeste Anti-Dantas, qui constituait une rupture avec le modernisme et ce qu’il appelait la culture du passé, dont il voyait l’image dans le politicien et écrivain Julio Dantas qui, dans le journal A capital du 30 mars de 1915, avait écrit un article dans lequel il décrivait les poètes du groupe Orfeu, comme des artistas « Ribafolles ».
Mário de Sá-Carneiro
Curieusement, Mário de Sá-Carneiro, celui qui a été un des grands amis de Fernando Pessoa et le fondateur d’Orfeu n’était pas un amoureux du Café Martinho da Arcada, même si dans un de ses textes il aurait écrit en s’adressant à Fernando Pessoa:
É como se esperasse eternamente
C’est comme si j’attendais éternellement
A tua vinda certa e combinada
Ta venue certaine et planifiée
Aí em baixo, no Café Arcada,
Là-bas, dans le Café Arcada
Quase no extremo deste continente.
Presque à l’extrémité du continent
Il aurait aussi écrit à Paris, dans une lettre adressée au même Fernando Pessoa, en 1915, (en parlant d’une autre lettre qu’il aurait adressée à son père):
« … Je lui ai demandé de me laisser, pour tout, rester ici – au moins jusqu’à que je parte pour l’Afrique. En résumé, tout sauf Lisbonne… Surtout je suis horrifié à l’idée sans miroirs de, sans alternative, traîner dans le « Martinho »… Je ne sais pas pourquoi ce café – seulement celui-là, pas les autres de Lisbonne – m’a toujours donné l’idée d’un lieu où on vient pour terminer sa vie: étrange refuge de ceux qui ont perdu toutes leurs illusions, leur restant uniquement, une maigre pièce pour payer leur café -… » [traduction libre]
Ceci expliquerait, probablement, pourquoi le nom de l’écrivain est si peu associé à ce mythique et extraordinaire lieu de l’histoire de Lisbonne.
Un bien beau mercredi,sur Lisbonne et ses artistes.
Sublime visite guidée et commentée avec tant de passion.
Merci et il va falloir attendre mercredi…va être long..
Bises
Se perdre à Lisbonne, après avoir tout vu, prendre un café et manger un pastel de nata au café Martinho da Arcada, c’est la cerise sur le gâteau, après c’est certain, on dors comme un ange.
Quelle formidable idée de nous avoir entraînés dans ce lieu où personnages historiques – dont certains sont trop peu connus ou carrément méconnus ou incconus – et hommes de culture se sont assis.
Un billet qui risque de séduire ceux qui cherchent des renseignements en français sur ce lieu chargé d’histoire et qui arriveront ici par hasard…
J’ai déjà passé devant des centaines de fois mais jamais rentré…bon tu viens de me convaincre à aller boire un bon café et un » pastel de nata » la prochaine fois.
J’ai bu ton café avec plaisir ! Et apprécié tous ceux qui étaient là, tant il est vrai que le café est un breuvage miraculeux pour la mémoire ! (affirmation gratuite ! ) J’en reprendrais bien un peu… mercredi prochain ?!
J’adore ta « Promenade à Lisbonne » et quel plaisir de voir le chaleureux « Café Martinho da Arcada ». C’est avec un brin de nostalgie que je regarde ce café convivial et qui a une âme. Et que de « grands noms de la vie publique et culturelle portugaise… » se sont rencontrés dans ce lieu.
Chez nous, nous ne trouvons plus guère de cafés comme celui-ci qui a toute une histoire. L’entrée est très invitante.
Un merci chaleureux Armando pour ton récit fort intéressant.
Merci Armando le café était excellent