La période du Château de Saint Jorge

[versão portugesa]

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La Casa Pia de Lisbonne : Un bref rappel historique

Adérito Tavares
Professeur à l’Université catholique portugaise (Lisbonne)

 

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Alégorie a la Casa Pia du Château de Saint Jorge
Gil Teixeira Lopes 

 

2.  La période du Château de Saint Jorge

Pina Manique avait sa propre conception de l’action préventive que devait exercer la police. Celle-ci devait prévenir la criminalité plutôt que de réprimer. Selon les théories de Rousseau, l’environnement social était le responsable de la genèse et du développement des tendances criminelles. L’homme était naturellement bon, c’était la société qui le corrompait. Ainsi, il était important de le retirer d’environnements néfastes par la création de structures d’accueil et d’oeuvres d’assistance pouvant recueillir les pauvres et les enfants abandonnés, où ceux-ci pourraient trouver un climat de saine et utile éducation.

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La Casa Pia a été installée provisoirement au Château de Saint Jorge. Une installation provisoire qui, peu a peu, allait devenir définitive. Ont été accueillis des enfants des deux sexes, ainsi que des mendiants et prostituées, dans des lieux différents. L’idée de la création d’un établissement multiple, où, en simultané on pourrait fournir école primaire, école secondaire et enseignement professionnel aux enfants et aux adultes et offrir la possibilité de l’intégration sociale et professionnelle, n’as pas dû surgir tout à coup. L’œuvre, comme une boule de neige, est née et elle a agrandi petit à petit. On a adapté immeubles, on en a construit d’autres, et aménagé dans un château que le tremblement de terre de 1755 avait laissé en assez mauvais état. Des innovations ont été introduites dans la structure de l’organisation de l’établissement et de ses objectifs, on a augmenté le nombre de programmes scolaires, celui des effectifs des pensionnaires, au fil du temps.

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Lorsque, le 3 juillet 1780, la reine Dona Maria I a inauguré officiellement la Casa Pia, celle-ci était encore une institution qui abritait quelques dizaines d’enfants et adultes, en même temps qu’un refuge et une prison préventive et transitoire. Mais Pina Manique allait se laisser porter par le projet. Il engage du personnel enseignant, administratif et auxiliaire. Il fait construire des dortoirs, des salles à manger, des salles de classe et des ateliers. Il s’entoure de collaborateurs prestigieux, comme José da Cunha Anastácio, poète et mathématicien, ancien professeur de l’Université de Coimbra, qu’il nomme régent d’études, à qui il donne la charge d’élaborer le programme des cours ainsi que le règlement interne de la Casa Pia.

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Le programme élaboré par José Anastácio comprenait français, anglais, mathématiques pures, mécanique et optique, astronomie, géométrie, histoire naturelle, physique expérimentale, chimie et pharmacie.

Plus tard seraient créés des cours professionnels pratiques et on introduirait dans le programme scolaire de nouveaux cours, comme l’anatomie, le dessin de nu, le commerce, etc.

Les élèves qui semblaient posséder des aptitudes spéciales ont commencé à être dirigés vers des études scientifiques et artistiques supérieures. Fut alors créé le Collège des Sciences, à Coimbra, afin de pouvoir héberger des «casapianos» à l’Université. À Edimbourg et à Copenhague, certains élèves de la Casa Pia iraient se spécialiser en obstétrique. Enfin, à Rome, Pina Manique a fondé le Collège Portugais des Beaux Arts, où ont été envoyés de jeunes «casapianos» qui avaient démontré une certaine capacité pour les hautes études de la peinture, de l’architecture, de la sculpture et de la gravure. D’autres ont fréquenté le collège Domingos Sequeira et Vieira Portuense.

 

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Domingos Sequeira
(cópie de l’autoportrait)
Pedro Guedes, 1895

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Domingos Sequeira,
le miracle de la Bataille d’Ourique
1793

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Vieira Portugense (portrait de Teixeira Barreto, siècle XIX)

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«D. Filippa de Vilhena», est représentée lorqu’elle
fait de ses enfants des chevaliers
[Teixaira Portugense]

Le règlement élaboré par José Anastácio da Cunha était très moderne et novateur. À titre d’exemple, on peut mentionner qu’il déconseille les châtiments corporels, encourage l’exercice et crée, pour la première fois au Portugal, un «conseil scolaire». Il faut noter que c’est aussi à la Casa Pia do Castelo de São Jorge qu’a été créée la première école féminine portugaise, le Collège de Santa Isabel.

L’enseignement jugé pionner de la Casa Pia, au-delà de l’enseignement expérimental, scientifique et artistique, déjà ci-dessus mentionnés, l’était aussi dans d’autres domaines. Par exemple, dans l’apprentissage des langues vivantes : le français et l’anglais sont déjà inscrits dans le plan d’études de José Anastácio da Cunha, et enseignés par des professeurs dont c’était la nationalité. Un peu plus tard, a été introduit l’apprentissage de l’allemand, et Casa Pia est la première école portugaise où cette langue à été enseignée.

Le sens pionner et pédagogique de la Casa Pia de Lisbonne se révèle également dans l’enseignement technique professionnel et dans l’enseignement musical. Dès le premier jour, des métiers sont enseignés aux enfants de l’institution : filature, tissage, broderie, etc. Les usines de Casa Pia du Château ont été fournisseurs de toile écrue et de toile à voile pour l’Armée Royale. Cette tradition de préparation des élèves à l’apprentissage d’un métier resterait en place tout au long de la vie de l’institution, et jusqu’à nos jours.

De même, l’enseignement de la musique sera une constante pendant les plus de deux cent ans d’existence de la Casa Pia. Ce qui est intéressant dans le Livre de Dépenses Journalières de la Casa Pia, en 1785, est qu’y sont indiquées plusieurs dépenses pour l’acquisition d’instruments et d’uniformes pour la constitution d’une bande musicale, et qu’y est aussi inscrite une note faisant référence à la réparation d’un clavecin utilisé pour l’apprentissage des élèves.

Treize ans après sa fondation, en 1793, la Casa Pia de Lisbonne, d’humble accueil réservé aux enfants orphelins et abandonnés, était devenue une grande institution de solidarité sociale, une école moderne, avec plus d’un millier d’étudiants. Un nombre impressionnant, surtout si l’on considère qu’il s’agit là d’un travail né de la volonté d’un seul homme, qui a survécu et s’est développé surtout par cette volonté, et qui allait s’effondrer un peu après sa disparition.

 

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À propos de dubleudansmesnuages

Je laisserai vagabonder mon esprit nomade, sur le fil d'or de mes silences, pour vous parler des ces choses qui me maintiennent en équilibre. Je vous parlerai aussi des musiques que j'aime. Elles se promènent du Fado d'Amália, de Dulce Pontes, de Cristina Branco, de Mariza, jusqu'aux voix frissonantes de Diana Krall, de Stacey Kent, de Chiara Civello, de Karrin Allyson, de Stina Nordenstam, de Robin McKelle, de Sophie Milman, d'Emilie-Claire Barlow, et d'encore plein d'autres … Aznavour, Brel, Duteil, Art Mengo, Berliner, Cabrel, Balavoine, Julien Clerc, Fugain, Le Forestier, Goldman, Lama, Rapsat, Vassiliu, Daniel Seff, Peyrac et tous ceux que m’on fait aimer la chanson française. Je me perdrai certains soirs dans le paradis de la musique brésilienne : Eliane Elias, Astrud Gilbert, Gal Costa, Elis Regina, Bia, Bebel Gilberto, Maria Creuza, Nara Leão, Jobim, Vinicius, Buarque, Toquinho, Djavan … Il y aura des moments où je vous parlerai d'une des chansons de ceux que j'affectionne. Donovan, Leonard Cohen, The Doors, Tracy Chapman, The Scorpions, Dylan, Lennon ou McCartney (avec ou sans les Beatles), ou de voix d'or comme Sarah Brightman, Ana Torroja, ou Teresa Salgueiro. Puis, parfois, je me promènerai sans but précis entre Piazzolla et Lluis Llach, de Mayte Martin à Gigliolla Cinquetti ou Paolo Conte, de Chavella Vargas à Souad Massi en passant par Gabriel Yacoub. Parce que la musique n’a aucune frontière. La musique ne connait que des sensibilités. Des sonorités. Des larmes ou des sourires. Je vous déposerai ici l'une ou l'autre de mes photos. Les moins ratées. Je vous laisserai un peu de poésie. Des poètes portugais. Que j'aime. Infiniment. Et puis tous les autres dont les textes me touchent. Je ne vous parlerai que des gens que j’aime. Et puis un peu de moi. Si peu. Et puis, si j'ai le temps. Seulement si j'ai le temps, je vous parlerai d'autres choses. Plus intimes.
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4 réponses à La période du Château de Saint Jorge

  1. marcel dit :

    Le règlement élaboré par José da Cunha me paraît bien plus que moderne et novateur, je le verrais même plutôt d’avant-garde.
    J’en veux pour preuve qu’il fallut encore plus de deux siècles (1999) pour connaître l’abolition des châtiments corporels dans les établissements privés de sa Très Gracieuse Majesté !

    Bravo également pour la fondation du collège de Santa Isabel … je ne vois pas pourquoi ces demoiselles devraient être en reste sur le plan de l’éducation. Il n’empêche que cela aussi était d’avant-garde.

    Enfin, une belle illustration de l’éducation d’Emile (et Sophie !)

  2. Reine dit :

    Pourrais-tu, Armando, envoyer une copie à nos ministres de l’éducation, européens, ratissons large ! pour leur faire une piqûre de rappel ? La variété des matières enseignées et la formation professionnelle laissent une chance à tous ! C’est certainement, à mon avis, une des clefs de la réussite de l’institution.

  3. Denise dit :

    Armando, ton fantastique récit concernant la Casa Pia de Lisbonne m’a plu énormément. Pina Manique était un homme formidable.

    Un grand merci pour cette très belle page ainsi que pour les photos.

    Un magnifique travail de recherches qui me ravit car je ne connaissais pas.

  4. isa dit :

    Tu sais Mandocas je me régale tellement a lire l’histoire que j’e oublie tout le reste. Malheureusement je ne lirais la suit la semaine proxène. J’admire ta volonté et ton travaille fabuleux

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