Je ne peux m’empêcher de sourire à l’idée que d’éminents et très respectables historiens, comme Rodrigues de Azevedo (Nostalgie du Pays Natal), n’ont jamais économisé leurs d’efforts dans la tentative (vaine) de prouver que l’histoire d’amour entre Robert MacKean (connu également sous le nom de Robert Machim) et Anna de Harfet (connue également sous les noms d’Anne D’Arfet ou d’Anne Dorset), n’était que pure invention populaire. C’est sans doute plus que vrai. D’ailleurs, à part l’amour entre Pedro et Inês, les historiens sont peu bavards en histoires d’amour, les reléguant, dans la majorité des cas, au rang de légendes sans fondement… Tant pis pour eux.
Nous sommes en mil trois cents et quelque chose au sud-ouest de l’Angleterre, dans la petite ville de Bristol, sous le règne d’Edward III et Anna a le regard fixé sur l’Avon, un fil d’eau dont la source est à Old Sodbury, dans le comté de Gloucestershire et qui se jette paisiblement dans la mer Avonmount, dans le comté de Bristol.
La raison de son chagrin est l’annonce, par ses parents, de son mariage proche avec un noble de son rang, alors qu’elle a déjà offert son cœur à Robert McKean, un anglais sans rang de qui elle est éperdument amoureuse. Robert, de son côté, a remplacé les larmes par la révolte et, avec quelques amis, prépare dans le plus grand des secrets, un plan de fugue vers la France, avec qui l’Angleterre est en guerre depuis 1338. Et c’est lors d’un de ces jours de fête que, avec la complicité d’amis fidèles, que les deux amoureux sont partis en mer dans une embarcation de fortune, mais combien pleine d’amour.
Le sort a voulu qu’une tempête les surprenne et qu’après quelques jours de navigation à la volonté de la tempête, le bateau se soit éloigné des côtes, ne leur laissant qu’un épais rideau de pluie comme seul horizon pendant plusieurs jours, jusqu’à ce moment où le bateau s’est endormie paisiblement et qu’ils voient sortir de la brume, une île, remplie d’une verte végétation sauvage et de chants des oiseaux aux plumes colorées, que, le cœur palpitant, ils ont d’abord pris pour une vision du paradis.
Anna, malgré le bonheur, se sentait épuisée par l’éreintant et tumultueux voyage. Robert et ses compagnons de voyage l’ont ramenée à la terre ferme pour qu’elle puisse se reposer confortablement.
Quelques jours après, une nouvelle tempête s’est abattue, éloignant le bateau qui s’est perdu avec quelques marins à la dérive jusqu’aux côtes marocaines où ils ont été fait prisonniers et esclaves.
Quand Anna est revenue, au bout de quelques jours, du monde des fièvres et des peurs ce fut pour se rendre compte que désormais ils étaient livrés à eux-mêmes, dans une terre inconnue. C’est alors qu’elle a sombré dans un sentiment de désarroi et de solitude qui ne l’a jamais quittée puisqu’elle s’est endormie pour l’éternité dans les bras éperdument amoureux de Robert. Ce dernier, après avoir creusé la tombe de sa bien-aimée et avoir sculpté une croix chrétienne en pierre <a laquelle il a ajouté une épitaphe en latin, n’a plus retrouvé la force de continuer à vivre.
Personne n’a jamais réussi à l’éloigner de la tombe de son aimée. Au bout de cinq interminables jours, Robert a fermé les yeux pour rejoindre son amoureuse pour toujours. Ses compagnons lui ont creusé une tombe à côté de celle d’Anna et ont laissé par écrit la volonté de construire un temple en honneur des deux amants, si un jour un chrétien de cœur venait à vivre dans ces terres lointaines.
Lors de l’arrivée, en 1418, de Gonçalves Zarco, une messe a été aussitôt célébrée par les religieux franciscains. Officiellement pour remercier la Providence de l’importante découverte qu’ils venaient d’effectuer. Pour l’Histoire, la « découverte » se réfèrerait à l’île, alors que depuis… des cartes reprenaient l’existence de cette île avant cette date.
Toujours est-il qu’aujourd’hui, à Madère, dans la ville de Machico, à la place où les deux amants reposaient, se dresse, face à la mer, la chapelle des Miracles…
[Les images 1 et 4 proviennent de la toile,
les images 2 et 3 sont tirées de
Lendas de Portugal, Fernanda Frazão, éditions Multilar]
Une histoire d’amour renversante et formidablement décrite. Merci Armando.
Moi, en plus de cette magnifique histoire, j’aime que tu mettes en doutes les écrits de ceux qui ne veulent pas y croire… Tant pis pour eux et tant mieux que tu sois là pour nous raconter tout ça!
Histoire palpitante que j’ai lue à tombeau ouvert !!!
Merci Armando
C’est mon côté fleur bleue, j’adore ces histoires, les personnages, les chapelles que l’on construit, cela fait vibrer ma corde sensible ( eh oui et même j’en ai plusieurs)
Quand l’amour ne peut rien séparer… Cette histoire est belle mais triste!
Merci Armando pour ton mercredi au Portugal, toujours aussi passionnant.
Bisous