[illustration de Sylvie Daigneault, publiée chez Lali]
De ma petite enfance je garde quelques pâles mais précieux souvenirs, qui viennent encore murmurer leurs mots à mon cœur de temps à autre. Je me souviens si souvent de Leonor. Une dame aux cheveux gris et à la voix tendre et parfumée de tendresse qui m’a gardé sous son aile quelque temps, alors que je n’avais pas de nid.
J’aimais tant l’entendre me raconter des histoires. Quelquefois, je les entends encore ces histoires qu’elle savait si bien me raconter. D’autres fois, je me demande si je les invente. Sans doute que oui…
Les Grecs l’ont appelée Odisseu et les Romains Ulysse et selon une légende ancienne, raccommodée au gré de la fantaisie de celui qui la raconte, c’est lui qui a fondé la ville de Lisbonne.
On dit qu’Ulysse et ses valeureux guerriers, après avoir gagné la guerre de Troie, ont commencé une long voyage par la Méditerranée. C’est dans un de ces périples qu’a eu lieu la fondation d’Olissipo, la ville d’Ulysse, que la traduction vers le latin aurait corrompu en Olissipona.
Dans ce temps-là, Ofiússa, la déesse serpent avait séduit Ulyseset leur romance s’est prolongée jusqu’au jour où le fondateur de la ville de Lisbonne a pris la décision de reprendre son navire, l’Argos, pour retourner à sa terre natale, auprès de Pénélope.
C’est alors qu’Ofiússa, de peur d’être abandonnée et de nouveau errante et solitaire, dans une grande colère a fait trembler Lisbonne, s’enroulant en sept anneaux, formant ainsi les sept collines d’Ossipo (Colline de S. Jorge (Mouraria); Colline de S. Vicente (Alfama); Colline de Sant’Ana (Anunciada); Colline de S. André (Graça); Colline das Chagas (Carmo); Colline de Sainte Catarina (Camões); Colline de S. Roque (Bairro Alto), qui ont fait depuis la beauté de la ville de Lisbonne.
Je me doute bien que, terre à terre que vous êtes, vous n’allez pas croire facilement cette histoire romanesque d’Uyisse et d’une déesse serpent éperdue d’amour pour le héros grec.
Et je le déplore pour vous. Pour votre d’âme d’enfant. Moi j’y ai cru longtemps. Et ce n’est que lorsque que je suis entré à l’école que j’ai pris connaissance d’autres théories toutes aussi incertaines et, en tout cas moins romantiques.
On dit qu’il est possible que le nom de Lisbonne remonte aux Phéniciens, qui l’auraient nommée Allis Ubbo, tandis que le philosophe grec Ptolémée l’aurait baptisée Oliosion, les Wisigoths Ulishbona et les Maures, qui ont été les maîtres de la ville dès 711, l’ont appelée Al-Lixbùuna ou Al-Ushbuna, et ont imposé l’arabe comme seule langue officielle jusqu’à ce que Afonso Henriques s’installe sur la Colline de Santo André (un des sept anneaux du serpent), et qu’avec l’aide de chevaliers français, anglais, allemands et portugais réussisse il conquérir la ville aux Maures en 1147, pour y instaurer la foi chrétienne et obliger tout le monde à parler portugais.
Et même si la référence, au sens érudit du terme, aux sept collines de Lisbonne ne surgit que pour la première fois dans le Livro das Grandezas de Lisboa sous la plume de Frei Nicolau de Oliveira au XVIIème siècle : Les sept collines sur lesquelles s’est construit Lisbonne : Castelo, São Vicente, São Roque, Santo André, Santa Catarina, Chagas et Sant’Ana, mettant ainsi à mal l’improbable fondation de Lisbonne par Ulysse, il me plait toujours de me dire que l’histoire que cette femme merveilleuse qui a peuplé ma petite enfance m’a racontée un jour, est bien plus tendre, plus belle et plus vivante que toutes celles que j’ai apprises à l’école.
Lisbonne une ville conséquence de l’amour, l’idée me plait énormément !
Je te souhaite un excellent week-end
C’est bien vrai Armando… tenons nous à distance du réel, retenons que les merveilleuses et tendres histoires qui nous font rêver, comme celle que tu viens de nous conter!
C’est toute la magie des contes dans des bras aimants …
Quel beau billet ! Et puis en tête de proue cette si tendre illustration , déjà raconte tout ! Elle dit les yeux grands ouverts, et l’âme éveillée et le coeur innocent , prêt à s’émerveiller . Gravir 7 collines, éclairer 7 rêves,
Comme Lisbonne est belle par toi racontée .
Les histoires qu’on nous raconte, que tu nous racontes, sont toujours les plus belles!
Oui, Armando! Bien plus belle car elle a été racontée avec tendresse… et cela ne s’oublie pas!
Et tu as bien raison Armando …